Psychanalyse nature culture

Séminaire 2024 2025

La psychanalyse s’inscrit dans la culture et s’intéresse assez peu directement à la nature. Pour Freud, la culture fait fond sur une nature dont l’humanité s’extrait et dont elle s’éloigne avec le processus de civilisation. La nature sauvage est à contrôler, à domestiquer, à exploiter. Ce processus de civilisation a été considéré par Freud comme associé à une maîtrise des pulsions. Le malaise dans la culture est celui d’un pulsionnel qui résiste à la domestication, d’une pulsion de mort qui risque de remettre en question la civilisation, avec un progrès technique qui rend possible la destruction de l’humanité par elle-même.

De la nature, il est aujourd’hui beaucoup question sous l’angle du réchauffement climatique, de la perte de la biodiversité et de l’extinction de certaines espèces, de pollutions à grande échelle, comme conséquences des actions des humains sur leur environnement. Le malaise dans la nature est lié aux menaces que font peser le réchauffement climatique, les destructions et les effondrements sur l’habitabilité de la terre, à l’ère de l’anthropocène et du capitalocène. Il accroît le malaise dans la culture en laissant désorientés nombre de nos contemporains.

A partir des travaux d’anthropologues (Philippe Descola, Charles Stépanoff, etc.), de philosophes (Donna Haraway, David Abram, Vinciane Despret, etc.) les deux premières années du séminaire ont été l’occasion de nous intéresser aux liens entre nature et culture dans leur diversité et leur multiplicité selon les cultures. L’idée s’est précisée d’un animisme présent de diverses manières dans l’ensemble des cultures, y compris dans la culture occidentale moderne. Malgré la réduction de la nature à une ressource à exploiter, à une chose, dans cette culture, les identifications et les affects des humains vont aussi vers les non humains (animaux, plantes, objets, robots, etc.).

Pour cette 3e année de séminaire, nous nous intéresserons à l’ambivalence des relations des humains aux non humains, avec d’un côté un amour de la nature, comme source de plaisirs et d’apaisement, d’identifications avec d’autres existants, comme instance nourricière, et de l’autre une peur de la nature comme puissance hostile, menaçante, destructrice. Quels liens peut-on envisager entre la peur de la nature, sa chosification et une volonté de la maîtriser qui semble au fondement de la culture occidentale moderne ? Nous nous intéresserons également à l’indifférence qui semble être celle de certains de nos contemporains vis à vis des catastrophes climatiques et écologiques en cours.

La psychanalyse, comme pratique et comme théorie, peut-elle être enseignée par les liens des humains aux autres qu’humains ? Peut-elle nous aider à comprendre les enjeux contemporains des rapports entre nature et culture, les liens entre malaise dans la nature et malaise dans la culture, et notre condition de terrestre ?

Bibliographie indicative

• Freud, Malaise dans la culture, Totem et tabou, Au dela du principe de plaisir, Le petit Hans, L’homme aux rats, L’homme aux loups
• Lacan, « Lituraterre », Autres écrits, Seuil, 2001
• David Abram, Devenir animal, une cosmologie terrestre (2011), Dehors, 2024
• Philippe Descola, Par delà nature et culture, Gallimard, 2005, Les lances du crépuscule, Plon, 1993
• Carlos Fausto, Le Jaguar apprivoisé, PUM, 2024
• Bruno Latour, Face à Gaïa, La Découverte, 2015, Où atterrir, La Découverte, 2017
• Danouta Liberski-Bagnoud, La souveraineté de la Terre, Seuil, 2023
• Achille Mbembe, La communauté terrestre, La Découvete, 2023
• Carolyn Merchant, La nature comme femme, et sa destruction par la science moderne (1980), Wildproject, 2021
• Val Plumwood, Ré-animer la nature, PUF, 2020, Dans l’oeil du crocodile, Wildproject, 2021,
• Charles Stepanoff, L’animal et la mort, La Découverte, 2021, Attachements, enquête sur nos liens au-delà de l’humain, La Découverte, 2024
• François Terrasson, La peur de la nature, Sang de la terre, 2020

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Bruno Vincent

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